** DE LA GREFFE DU CHATAIGNIER SUR LE CHENE.**
Il y a environ une vingtaine d'années, de différents points
de la France, on signala le dépérissement des châtaigniers.
Des arbres jusque—là vigoureux, sans cause apparente aucune,
devenaient languissants, puis périssaient. Vainement, lors
des premiers symptômes du mal, ces arbres atteints dans
leurs racines étaient rabattus sur les grosses branches ou
recépés jusqu'à terre ; les nouveaux jets, faibles et peu
nombreux, ne tardaient pas à périr eux-mêmes. Depuis,
d'année en année, le mal n'a fait que s'accroître et il tendrait
à devenir un véritable fléau pour les contrées dans lesquelles
les marrons forment l'objet d'un commerce considérable ou
jouent un rôle important dans l'alimentation; telles sont
une partie de la Bretagne, le Limousin, l'Auvergne, le Lan-
guedoc et la Corse.
Cependant, jusqu'à présent, aucun remède efficace et pra-
tique n'a été, que je sache, indiqué contre le mal; bien plus,
les agriculteurs et les forestiers ne sont pas d'accord sur la
cause qui le produit.
Dans ces conditions, je crois donc rendre service aux pre-
miers en attirant leur attention sur la greffe du châtaignier
pratiquée sur le chêne.
Vers 1840, pour la première fois, j'avais remarqué la faci-
lité de la reprise de cette greffe et la vigueur de sa végéta-
tion; depuis, maintes fois j'avais eu l'eccasion de la pratiquer,
mais toujours à titre de simple curiosité. Aujourd'hui, elle me
parait devenue d'utilité réelle et appelée à se répandre rapi-
dement partout oû la culture du châtaignier a pour but prin-
cipal la production du fruit. Mais quelle sera la qualité des
marrons obtenus sur le chêne? Evidemment, ces marrons
seront identiquement semblables à ceux donnés par l'arbre
qui aura fourni les greffons et sans modification aucune due
à la sève spéciale des pères nourriciers. Dans la poire, dans
la prune, dans l'abricot ou la pêche, qui reconnaitrait le
coing, la prunelle ou l'amande amère, productions naturelles
des sujets avant l'opération de la greffe?
Ces jours derniers, M. Trochu, maire de la commune de
Bruz, arrondissement de Rennes, me montrait, dans le jardin
attenant à mon habitation , un chêne greffé il y a environ
quinze ans, qui, chaque année, lui donne de beaux et excel-
lents marrons. M. Troebu me disait également qu'il avait vu
abattre par son père un chêne greffé quarante ans auparavant
et dont les produits en marrons de qualité première avaient
toujours été très abondants.
Le châtaignier peut être greffé sur diverses variétés de
chêne. Le chêne pédonculé, vulgairement appelé chêne blanc,
à raison de son écorce plus lisse et de sa végétation plus rapide,
me paraîtrait cependant devoir fournir les meilleurs sujets.
Quant au mode de greffe à employer, il variera nécessai-
rement suivant l'époque de l'année, la grosseur du sujet,
l'habitude de l'opérateur. J'indiquerai tous les suivants comme
pouvant donner un heureux résultat : greffe en écusson à
oeil dormant, en fente simple, en fente à l'anglaise, en
couronne , à cheval, en flûte , eu flûte à sifflet, en flûte de
faune ou à lanières.
<i>Auteur : E. MARQUET.
Dans : Annales de la société d'agriculture de Dordogne, 1881.</i>